DU 1er AU 6 JUIN 1944

Les attaques contre les batteries côtières s'intensifient à l'approche du D-Day...
(Source Kriegstagebuch der Seekommandant Seine-Somme)


1er juin : - De 17 h. 42 à 17 h. 48 attaque sur la batterie de la Corvée par 36 Marauders à 3 500 m d'altitude avec lâcher de bombes sur tout le terrain. Une baraque a été endommagée par le souffle, deux cents mètres d'obstacles sont complètement détruits. Un blessé, deux ensevelis dans leur trou individuel, mais récupérés.
2 juin : - De 15 h. 50 à 16 h. 21, attaque de la batterie du cap de la Hève en trois vagues de huit Thunderbolts. Impacts observés sur les avions dont un s'est écrasé. 
3 juin : - De 15 h. 45 à 16 h. 07, attaque en piqué de la batterie du cap de la Hève par douze Thunderbolts en plusieurs vagues. Riposte de la Flak et des mitrailleuses. Impacts observés sur les avions. 
- 17 h. 45, attaque par douze Thunderbolts de la batterie du cap de la Hève et du radar par bombes et armes de bord.
- De 20 h. 58 à 21 h. 00, bombardement sur la batterie de la Corvée par Marauders (environ cinquante). Le feu précis de la Flak a empêché ces avions d'avoir un lâcher précis. Une position de Flak détruite. Pas de perte. 
5 juin : 08 h. 20, attaque en piqué par douze Thunderbolts de la batterie du cap de la Hève et du radar avec bombes. Pas de dégâts. Riposte de la Flak légère et impacts observés sur les avions.

La nuit la plus longue...  (Source Kriegstagebuch der Seekommandant Seine-Somme)


6 juin : - 00 h. 59, fort survol d'avions dans la région de Dieppe au Havre.
- 01 h. 25, Le Festungskommandant signale : alarme de niveau 2 dans le territoire de la forteresse. Parachutages en cours dans le secteur de la 711. Infanterie Division (région de Honfleur - Cabourg).
- 02 h. 02, ordre de l'Admiral Kanalküste : mise en état d'alerte pour la flottille de protection du port et ordre d'occuper les positions de défense.
- 02 h. 25, parachutages en cours dans le secteur de la 711. Infanterie Division confirmés.
- De 02 h. 28 à 02 h. 30, ordre aux flottilles de protection du port et de sécurité d'occuper, avec les navires pouvant sortir en raison des mauvaises conditions météo, les positions de défense et surtout la n° 13.
- 03 h. 00, FH 02 et FH 03 avec chef de flottille à bord en route vers position de défense n° 13.
- De 03 h. 00 au lever du jour, de tous côtés de la côte on entend de forts bruits de navires, des coups de canon et on observe des bateaux chargés ainsi que des signaux lumineux. Explication de l'Admiral Kanalküste : on peut déjà en conclure que près de Port-en-Bessin et Grandcamp ainsi qu'à l'Est de Ouistreham des péniches de débarquement vont se diriger vers la côte. Près de Cabourg, on signale des parachutages anglais. Les forces de combat de la mer doivent avoir une disponibilité immédiate et ont ordre de tir à 04 h. 00. Le commandement du 81ème corps d'armée demande d'éclaircir la situation.
- 04 h. 15, le commandement du 81ème corps d'armée est informé de la sortie de nos navires en direction de Cabourg et Ouistreham. Le transfert des informations vers la 711. Infanterie Division s'effectue par le biais du 81ème corps d'armée parce qu'il n'est plus possible de communiquer avec elle. Le 81ème corps d'armée signale de fortes attaques aériennes sur la région d'Houlgate, Villers-sur-mer avec lâcher de bombes au phosphore.
- 04 h. 18, pour le groupe Seine, alarme et mise en situation de combat.
- 04 h. 45, le sémaphore du Havre signale : dans le 160°, tir d'alerte n° 60 prévu en cas de débarquement. Secteur d'Honfleur, le signal d'alerte voulant dire "débarquement ennemi en cours" a été observé.
- 04 h. 56, ordre au chef des armes de barrage : s'il est nécessaire, prendre des mesures pour contaminer l'eau de la Seine.
- 05 h. 00, les unités navales allemandes encore capables de sortir ont tiré sur des avions ennemis les survolant. Nos propres bâtiments d'observation, à environ 5-10 miles de la terre à l'Ouest de l'embouchure de la Seine sont entrés en contact avec l'ennemi. On observe de la terre un feu de Flak très fourni et un feu d'artillerie des bateaux alliés.
L'ennemi cherche à protéger son flanc Est qui se trouve devant l'embouchure de la Seine, suivi d'une flotte de débarquement vers l'Ouest non encore identifiée à cause du brouillard mis en place.
- 05 h. 45, le Gruppe West ordonne de rappeler les navires appareillés du Havre.
- 06 h. 42, observation du sémaphore du Havre : une unité ennemie dans le 270° à environ 12 miles se compose d'environ trente navires de tous types et reçoit continuellement des renforts. Le tout est protégé par un brouillard artificiel.
- 07 h. 30, la 5ème flottille de torpilleurs basée au Havre est au contact d'une importante formation de navires.
- De 09 h. 16 à 09 h. 24, ordre de combat pour la batterie du Clos des Ronces sur la flotte américaine. 
- Vers 09 h. 00, retour de trois bâtiments allemands au Havre, dont le T28. Les torpilleurs ont attaqué la flotte alliée de 6 500m à 05 h. 35, mais les navires ont évité les 15 torpilles. Les torpilleurs ont été pris à partie par des avions ennemis.

A la vue de ces rapports, comment une telle force navale a-t-elle pu s'assembler et passer sous le nez des Allemands qui ne sont pratiquement pas intervenus, bien qu'étant en alerte depuis une heure du matin ?

DU 3 AU 7 JUIN 1944


Source de la presse havraise...


Samedi 3 - dimanche 4 juin
Un groupe de bombardiers anglo-américains a survolé jeudi, vers 17 h. 45, la ville. Après le passage des avions on a noté une vingtaine de points de chute aux environs de Bléville. On ne signale aucun mort, mais seulement cinq blessés.

Mardi 6 juin
Les établissements scolaires sont provisoirement fermés.

Ils arrivent...
Dans la nuit du lundi 5 au mardi 6 juin, j'étais de permanence de nuit à l'Hôtel de Ville, nous entendîmes toute la nuit les avions passer et vers 2 h. 30 du matin, nous fûmes réveillés par les onze coups de sirène, signal de débarquement. A sept heures du matin, Maître Ginouvier, Secrétaire Général de Mairie, arrive à l'Hôtel de Ville et me fit part de la communication téléphonique qu'il avait reçue du Préfet, lui disant que les Anglo-américains avaient débarqué à 6 h. 00 à Arromanches. L'heure H avait sonné. Depuis quatre années que les Alliés s'étaient préparés, alors que nous Français nous n'y croyions plus, et c'est en pleine Normandie à Arromanches à 57 km du Havre de Grâce que les Alliés mirent le pied sur le sol français avec le seul espoir de reconduire l'ennemi d'ou il venait. Aussitôt les soldats arrivèrent à la Kommandantur et déménagèrent toutes leurs archives dans un blockhaus qu'ils avaient construit dans le jardin, les barbelés furent tendus dans les rues et les soldats postés avec les mitrailleuses dans les rues. Le camp retranché du Havre fut fermé, interdiction de circuler en bicyclette et en automobile, les spectacles furent arrêtés, nous étions en état de siège. En haut de la rue G.-Lafaurie, nous distinguions les navires de guerre et un groupe de deux cent navires de débarquement se trouvait dans les eaux au Nord du Havre. Nous nous attendions à une attaque sur le Havre. Du beffroi de l'Hôtel de Ville, nous voyions très bien le mouvement des navires. Les autorités allemandes délivrèrent des laissez-passer pour entrer et sortir du camp retranché aux personnes chargées du ravitaillement, aux travailleurs et la circulation en bicyclette et en voiture redevint libre.
(Extrait des notes de Paul Latrille, agent de liaison de M. Pierre Courant, Maire du Havre)

Des havrais participent aux débarquement...
Parmi les troupes alliées débarquées, se trouve un bataillon de cent soixante dix-sept français, dirigés par le Commandant Kieffer, intégré dans le 4ème Commando franco-britannique.
Débarqués à 7 h. 30 à Colleville-sur-Orne (devenue Colleville-Montgomery), la mission de ces hommes est de s'emparer de Ouistreham et de son port puis gagner le pont de Bénouville pour s'établir à l'Est de l'Orne. 
Une vingtaine de ces soldats étaient originaires du Havre et de la région. 


Nuit du 7 au 8 juin : Appareillés du Havre à 02 h. 10 pour attaquer des objectifs ennemis à 10 miles à l'Ouest du cap d'Antifer, des torpilleurs de la 5ème flottille sont repérés aussitôt et sont pris à partie par des vedettes britanniques. Mais la 4. Schnellbootflottille réussit à couler deux bâtiments de débarquement de 900 tonnes et deux autres de 400 tonnes. Elle rentre ensuite au Havre. La 15. Vorpostebootflottille a engagé le combat, en tirant sur des navires alliés à 03 h. 52 et 04 h. 55.


Les Allemands sont en alerte et réalisent des petits points de défense en ville en prévision de combats de rue. Devant la gare S.N.C.F., face à la rue J.-Lecesne, deux hommes armés de leur Mauser sont postés dans un trou.

Mercredi 14 - jeudi 15 juin 1944
Deux bombardements ont lieu au cours de cette nuit. Ils visent le port et la base pour vedettes lance-torpilles, mais la ville subit son plus terrible bombardement depuis le début de la guerre : 1 800 tonnes de bombes (environ 4 500 projectiles en dehors des Tallboy) sont larguées cette nuit.
La première attaque a lieu de 22 h. 30 à vingt trois heures (221 Lancasters du groupe n°1 accompagnés de 8 Mosquitos marqueurs, larguent 1 230 tonnes de bombes), la seconde de 1 h. 10 à 1 h. 30 (119 Lancasters du groupe n° 3 accompagnés de 5 Mosquitos marqueurs, larguent 570 tonnes de bombes), touchant toutes deux le port mais également la ville
Il n'y a pas eu de signal d'alerte : depuis le 6 juin nous sommes en alerte permanente. Le bombardement débute par un lâcher de fusées de balisage puis par le mitraillage de la rue F.-Faure. 
Auparavant, 22 Lancasters avaient attaqué la base pour vedettes lance-torpilles. La R.A.F. utilisa notamment des bombes spécialement étudiées pour percer le toit en béton de la base dont l'épaisseur est de trois mètres. Appelées Tallboy, elles pèsent 12 000 livres (5.390 tonnes) chacune.

De nombreux groupes d'immeubles sont particulièrement dévastés, notamment rue de Paris entre l'église Notre-Dame et le quai de Southampton. Des incendies se déclarent. Ils s'intensifient le 16 juin entre les rues des Galions et Saint-Julien. Les pompiers effectuent des pompages dans le bassin du Commerce soumis au niveau des marées et dans l'arrière-port. Après avoir été presque circonscrits, les incendies gagnent le 17 juin au matin la rue de Paris en raison d'un vent soufflant en tempête.
Afin d'enrayer ce désastre, les autorités allemandes envisagent de dynamiter les zones où les foyers sont les plus actifs. Le 20 juin au soir, cet incendie est pratiquement maîtrisé et les Allemands font partir les pompiers. Toutefois, le 27 juin, quelques foyers reprendront de façon sporadique rue des Galions.

Le nombre impressionnant des impacts sur la ville reflète l'important débordement des projectiles destinés au port. Ils feront de nombreuses victimes parmi la population.

Vue aérienne du centre ville et des bassins limitrophes, photographiés le 17 juin. Le nombre d'impacts sur les quais est impressionnant, notamment autour de l'avenue L.-Corbeau (en bas de la photo) et au sud du sas Quinette de Rochemont. Les deux casemates situées en extrémité du quai d'Escale sont visibles sur ce cliché.
En ville, les quartiers Saint-François et Notre-Dame ont ete sérieusement endommagés. La Manufacture des Tabacs (au-dessous de l'extrémité Est du bassin de Commerce), au centre de la photo, est l'un des anciens monuments havrais détruits au cours de cette nuit.

 


14 - 15 JUIN 1944


Pendant toute la nuit, les incendies ravagent les installations portuaires. 

Le bombardement du 14-15 juin vu du côté allemand puis allié...


Depuis le début du débarquement en Normandie, les navires allemands basés au Havre vont harceler la nuit la flotte alliée : les quelques unités de torpilleurs et surtout les vedettes rapides lance-torpilles peuvent à la fois poser des mines et attaquer très rapidement. Le jour levé elles sont déjà rentrées au Havre sous la protection de l'artillerie côtière et se retranchent dans leur tanière, sous la base : le 10 juin encore, la vedette S 188 coule un transport allié de 5 000 tonnes, les S 187 et S 182 des bâtiments de 2 000 tonnes chacune, puis regagnent Le Havre tout en s'engageant contre des destroyers...
Ces actions laissent sur le qui-vive de nombreux navires alliés dont les pertes importantes irritent le commandement de la Royal Navy, la situation doit donc changer au plus vite. 
Sur demande de l'amiral Ramsay, les bombardiers du Bomber Command exécutent dans la nuit du 14 au 15 juin une attaque massive sur le port visant la flotte allemande. Le raid a lieu en deux vagues . Auparavant, 22 Lancasters chargés chacun d'une bombe Tallboy, escortés par des Mosquitos, avaient attaqué la base pour vedettes lance-torpilles et la Gare Maritime Transatlantique. Deux impacts sont relevés sur le toit du bunker qui est transpercé par l'un de ces projectiles à haut pouvoir explosif. 
Au Havre, les forces antiaériennes de la Luftwaffe avaient reçu un ordre d'interdiction de tir entre 22 h. 45 et 23 h. 50 (la raison de cette interdiction apparaît dans un rapport annonçant le passage au-dessus du Havre, cette même nuit, d' appareils de la 3ème Luftflotte devant attaquer les navires alliés. Afin d'éviter toute confusion de cible par la Flak, l'interdiction de tir est ordonnée malgré les protestations du Seekommandant Seine-Somme). Hasard ? Erreur d'appréciation du danger ? Toujours est-il que lorsque les bombardiers britanniques s'éloignent de notre ville, le bilan est très lourd : cinquante-trois navires allemands et quatre torpilleurs amarrés le long des quais sont coulés, de nombreux marins ont été tués, la ville, nous l'avons vu, a été soumise à son plus violent bombardement depuis le début de la guerre.
Les rapports émanant des états-majors de la marine allemande et des forces terrestres au Havre sont nombreux et ne laissent aucun doute sur les conséquences tragiques de cette attaque qui contrecarre les interventions nocturnes de la Kriegsmarine sur la flotte alliée devant les plages du Calvados.
Le rapport du Bomber Command évoque lui, la réussite d'un raid qui s'est déroulé sans "aucune difficulté inattendue"... 


Le premier bilan établi par la marine allemande est loin d'appréhender le nombre réel des victimes. Un rapport du 16 juin à 4 h. 05, émanant du Marine Gruppe West indique environ quatre-vingts morts et autant de blessés. De nombreux havrais se souviennent avoir vu quelques survivants déambuler en ville, hébétés, ahuris, couverts de poussière et vêtements en lambeaux, la plupart ayant été surpris dans leur sommeil.
Les pertes en personnel sont en fait, très lourdes : à la 5ème flottille de torpilleurs, on compte quatre-vingts morts ou disparus (dont les chefs de flottille, les commandants du Jaguar et du Falke) et soixante-dix à quatre-vingts blessés ; à la 38ème flottille de dragueurs, trente-cinq tués et disparus, trente à quarante blessés ; à la 15ème flottille de patrouilleurs, trente-deux tués et disparus ; à la 10. Räumbootsflottille, deux tués ou disparus ; à la 4. Räumbootsflottille, deux disparus. Au total, la marine allemande au Havre compte environ deux-cents morts et une centaine de blessés.

Schnellboot à pleine vitesse. Sur son côté, l'un des deux tubes lance-torpilles, actuellement obturé. Sur le pont, deux pièces d'artillerie complètent son armement pour les attaques rapprochées. 

 




L'action des Schnellboote après le bombardement du 14 au 15 juin...


En dépit des terribles pertes évoquées ci-dessus, les S-Boote continuent d'appareiller courageusement après le 15 juin. Les vedettes attaquent depuis Cherbourg ou viennent de Boulogne. Dans la nuit du 18 au 19 juin six vedettes de la 2ème flottille sont transférées de Boulogne au Havre et mouillent des mines en baie de Seine. Dans la nuit du 5 au 6 juillet, la 8ème flottille a un engagement avec la frégate HMS Trollope et des vedettes rapides britanniques au cours de son transfert vers Le Havre. Cette frégate est torpillée à 1 h. 23 à dix miles à l'Ouest du cap d'Antifer. La 2ème flottille a d'autres engagements avec des destroyers au large mais son action est ralentie en raison de la destruction du dépôt de munitions de la base du Havre le 6. A nouveau les vedettes de la 2ème flottille (six) et de la 6ème flottille (trois) attaquent depuis Le Havre dans la nuit du 8 au 9 juillet, puis dans la nuit du 17 au 18. Vingt vedettes regroupées dans les ports du Havre, de Dieppe et Boulogne agissent toujours de nuit et sont insaisissables. 
Le 2 août, les S39, S114 sont coulées au cours d'un bombardement sur Le Havre. Les S79 et S91 endommagées ce qui n'empêche pas les autres de poursuivre leurs attaques les nuits suivantes depuis Le Havre : nuits du 4 au 10 août, puis du 14 au 15 au cours desquelles plusieurs cargos alliés, un croiseur léger et d'autres navires sont torpillés. L'évacuation du Havre débute dans la nuit du 23 au 24 août pour se terminer dans la nuit du 29 au 30 où dix-neuf navires escortés par les vedettes de la 8ème flottille quittent définitivement le grand port normand. Au cours de cette période, de nombreux petits navires de toutes sortes (environ cent) s'échappent. 
Les navires alliés les attendent en embuscade mais la plupart passent et dix seulement sont coulés. La S144, endommagée dans la nuit du 14 au 15 juin puis à nouveau au cours du bombardement du 31 juillet sera sabordée dans le port par les Allemands avant leur départ. Les S-Boote en ont terminé après trois mois de combat inégal en Manche. 
(Renseignements Pierre Hervieux)

Le Bomber Command, le 617 Squadron Special du 5ème Bomber Group...

Commentaires sur le raid du 14 juin 
Pour les pilotes de la R.A.F., "le raid a été exécuté en adoptant la méthode normale" et "aucune difficulté inattendue n'a été rencontrée". Sir Arthur Harris, qui était d'ailleurs très réticent à laisser son escadrille attaquer en raison du danger que représentait ce raid de jour*, qualifia ce bombardement comme étant "expérimental". Les deux vagues de bombardiers étaient pour cette raison escortées par les Spitfires du groupe 11 et seulement un Lancaster fut perdu. 
Les équipages ayant participé au bombardement se souviennent de plusieurs faits marquants :
Tout d'abord l'absence quasi-totale de la Flak allemande, pourtant très efficace au Havre. Il est très probable qu'une intervention de la D.C.A. allemande, dès la première attaque, aidée par la lueur du jour encore avantageuse, aurait été destructrive malgré l'effet de surprise du raid.
Le deuxième point ayant marqué les pilotes est la précision de leur bombardement, certainement favorisée par cette absence de réponse de la Flak. Les équipages purent suivre le parcours de leur bombe Tallboy jusqu'à son impact, rendant compte précisément de son point de chute.
Au cours de la seconde attaque, la précision fut nettement moins grande, le raid ayant été réalisé cette fois de nuit. Certains pilotes furent troublés par les incendies développés créant ainsi une confusion des objectifs. En ce qui concerne les horaires, ils furent respectés à la manière britannique, la seconde attaque démarra d'ailleurs une minute plus tôt que l'heure H...
Ce que sut par contre beaucoup plus tard l'état-major Britannique, c'est que ce soir là, il n'y avait pas de vedettes rapides à l'intérieur de la base (elles étaient groupées dans le bassin T.-Ducrocq), mais une douzaine de dragueurs de mines qui furent détruits. En effet, l'une des Tallboys tomba devant les entrées du bunker. Il s'ensuivit une énorme vague qui s'engouffra quelques secondes après l'explosion à l'intérieur, plaquant contre la sous-face de la dalle en béton armé, les navires qui étaient à l'abri.
Enfin, les pilotes rentrant à leur base, gardent ce souvenir des lueurs des incendies sur le port, dans un ciel d'une clarté exceptionnelle alors qu'ils se trouvaient à quelques miles des côtes anglaises. Loin derrière eux au sol, pompiers allemands et civils, marins, équipes de la Défense Passive, secouristes, luttaient dans la fournaise des flammes et des explosions tardives.

Les conclusions citées ci-dessus sont extraites de l'étude très détaillée menée par l'auteur J. Foster Tent dans son ouvrage "E-Boat Alert".

* le soleil se couchant à 22 h. 00 le 14 juin au Havre, il faisait encore jour au moment de l'attaque.


Lancaster B. Mk. 1 du 617 Squadron chargé d'une bombe Tallboy, avant décollage.



Caractéristiques de la bombe Tallboy
Cette bombe était étudiée pour avoir un effet de perforation optimum sur les carapaces de béton : larguée à haute altitude (environ 17 000 pieds - 5 200 mètres) elle atteignait à son arrivée au sol, une vitesse proche de celle du son et tournoyait autour de son axe longitudinal, augmentant ainsi sa capacité de pénétration. La charge importante placée à l'intérieur explosait quelques secondes après l'impact, le projectile étant à l'intérieur de l'ouvrage à détruire... 
Sur la base pour arme spéciale V3 de Mimoyecques, un seul de ces projectiles suffit à faire effondrer plusieurs niveaux de galeries alors en construction sous une falaise de craie. Le surnom de "tremblement de terre" donné à cette bombe prend ici toute son importance : les soixante-dix mètres de terrain n'ont pu protéger les forçats qui travaillaient à l'intérieur. Plus de 3 500 d'entre-eux furent ensevelis vivants... 

Au Havre...


Depuis le 6 juin, les avions alliés passent au-dessus du Havre, de jour comme de nuit, parfois continuellement, ou par vagues espacées ou individuellement. La Flak a des réaction très inégales : muette ou leur opposant un tir violent. Les bruits des combats le long des plages du Calvados nous parviennent en permanence ; grondement des canons, explosions. S'y ajoutent les détonations des tirs de l'artillerie au Havre contre les navires alliés. En dehors des bombardements du 14 au 15 juin, peu d'assauts aériens sont effectués sur la forteresse hormis les 24 et 29 juin, deux attaques sur les batteries côtières (voir rapport allemand p. 540). 
A la fin du mois, les Allemands commencent à remettre en état les installations et circuits électriques destinés à détruire les infrastructures du port, ceux-ci ayant été détériorés lors du bombardement du 14-15 juin.
Quant aux Havrais, depuis ces bombardements, ils quittent la ville quand ils le peuvent ou vont passer chaque nuit loin du port et des zones fortifiées, d'autres, dont ceux qui n'ont plus de toit, se réfugient dans les grands abris souterrains.

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