Hôpital souterrain allemand rues Henri IV et de Trigauville

 

Dans leur organisation générale, les divisions allemandes, qui occupaient les places fortes telles que Le Havre, étaient constituées de plusieurs régiments au sein desquels existaient des bataillons sanitaires (Sanität Truppen). Par conséquent, l’Organisation Todt avait construit dans le complexe fortifié, plusieurs infirmeries réparties dans les lignes de défense. Ouvrages de premier secours, ils ne pouvaient pallier qu’à des soins d’urgence effectués par des infirmiers ou un diagnostic. Les blessés devaient par la suite être transférés vers un hôpital pour les opérations chirurgicales ou une convalescence. C’est pourquoi, un important complexe hospitalier souterrain fut construit au Havre, sensiblement au centre de la forteresse, à quelques dizaines de mètres à l’Est du Rond-Point.

Il existait auparavant, à l’angle des rues Henri IV et Trigauville, de grandes caves souterraines construites vers 1848 pour la " Brasserie de l’Ouest ", destinées à y stocker la glace. Quand l’Organisation Todt chercha un endroit propice pour édifier son hôpital souterrain, ces grandes salles souterraines retinrent l’attention des ingénieurs. A partir de juin 1942, le site devient un chantier colossal, éclairé jour et nuit pour assurer la continuité des travaux.

Les Allemands construisent un bunker rue Henri IV et le relie aux salles souterraines par un couloir en pente. Cet ouvrage est prévu pour accueillir et décontaminer les éventuels soldats gazés. Rue de Trigauville, ils édifient un autre blockhaus à deux étages, relié aux complexe souterrain par un ascenseur. Dans ce bunker, les médecins peuvent y séjourner, se reposer et assurer les relèves. Dans ce même blockhaus, de nombreuses pièces sont destinées au stockage des médicaments et du matériel de chirurgie. Un troisième ouvrage est construit adossé à ce dernier, à l’intérieur duquel se trouvent des locaux techniques, le transformateur électrique assurant l’apport d’énergie pour l’hôpital situé à une quinzaine de mètres au-dessous.

Sous terre, les quatre caves sont aménagées en chambrées de 90 lits environ. Des salles d’opération, de stérilisation, de radiographie et une importante chaufferie sont également installées ainsi que trois grands blocs sanitaires.

L’hôpital est opérationnel en 1944 et sert dès le gros bombardement du 14-15 juin qui touche le port. De nombreux marins blessés y sont amenés pour être soignés ou opérés. Peu d’informations nous permettent de savoir comment se sont déroulés les jours du siège du Havre. Le 11 septembre au soir, l’hôpital tombe aux mains des éléments britanniques qui se sont risqués à descendre de la ville haute par les escaliers, alors que Le Havre est encore allemand (extrait du rapport du Major H. James Lovett, compagnie D du 2ème bataillon Gloucestershire de la 56ème Brigade – 49th West Riding Division) : " Le commandant allemand de l’hôpital a revêtu son uniforme blanc et a arraché son aigle à la vue de l’officier britannique. Il lui fait visiter l’hôpital et lui demande de passer dans la salle d’opération, séparée du reste de l’abri par une simple couverture . Cette salle où l’on opère sans arrêt est tragiquement encombrée… La chaleur, les odeurs chirurgicales sont telles que je tombe en syncope " avoue le pauvre officier qui en ressort soutenu par deux soldats allemands qui lui ont versé un grand bol de cognac et s’efforcent de lui faire avaler…

L’hôpital est par la suite utilisé par les services sanitaires britanniques puis par les troupes américaines. Ce qui explique que l’on trouve encore aujourd’hui sur les murs, de nombreuses indications initialement écrites en allemand et traduites en anglais…

Après guerre l’hôpital devient la réserve d’une boucherie. Il appartient aujourd’hui à Mme (veuve) Cauvin (SCI Madeleine) qui demeure au n° 20 impasse Duquesne, dont l’époux a transformé cet important complexe souterrain en un vaste dépôt de brocante, ferrailles, remplissant la majorité des salles qui regorgent notamment de vieux meubles en tous genres. Des constructions inachevées, hétéroclites exécutées par ce monsieur, complètent l’ensemble qui peut être considéré de décharge en ville et dont l’insalubrité n’est plus à discuter…

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